L’ABS est un des délits les plus fréquents commis par les dirigeants d’entreprise, et vise à sanctionner des actes tels que :
- utiliser une voiture d’entreprise à des fins personnelles en dehors du travail
- se faire rembourser par l’entreprise une note de restaurant personnelle
- emmener son conjoint à un déplacement professionnel aux frais de l’entreprise
- faire payer un employé de maison par son entreprise
- faire payer des travaux à son domicile personnel par son entreprise
L’abus de bien social est sanctionné aux articles L241-3 du Code de commerce pour les dirigeants de SARL et à l’article L. 242-6 pour les dirigeants de SA.
Pour les dirigeants de SARL :
Article L241-3 : Est puni d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 375 000 euros : (…) 5° Le fait, pour les gérants, de faire, de mauvaise foi, des pouvoirs qu’ils possèdent ou des voix dont ils disposent, en cette qualité, un usage qu’ils savent contraire aux intérêts de la société, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou une autre entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement.
Pour les dirigeants de SA :
L. 242-6 -Est puni d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 375 000 euros le fait pour : 4° Le président, les administrateurs ou les directeurs généraux d’une société anonyme de faire, de mauvaise foi, des pouvoirs qu’ils possèdent ou des voix dont ils disposent, en cette qualité, un usage qu’ils savent contraire aux intérêts de la société, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement.
Pour qu’un abus de bien sociaux soit sanctionné, il faut cependant qu’une série de conditions matérielles (I) et intentionnelles (II) soient réunies.
I - Les conditions matérielles pour qu’un abus de bien sociaux soit caractérisé
Il ne peut y avoir d’ABS sans que deux conditions soient réunies : une utilisation des biens de l’entreprise (A), qui soit contraire à ses intérêts (B).
A - Le dirigeant doit utiliser les biens de l’entreprise
La première condition qui doit être présente pour qu’un abus de bien sociaux soit caractérisé tient à ce que le dirigeant doit avoir utilisé à son compte, des biens appartenant à l’entreprise. Peu importe que cet usage soit temporaire ou définitif, et peu importe qu’il y ait ou non une appropriation de ces biens. Ce qui est sanctionné est l’usage.
En pratique, les exemples qui nous sont donnés par la jurisprudence sont très variés :
- une utilisation de matériel de l’entreprise pour effectuer des réparations à son domicile
- des emplois fictifs (Cass. crim., 28 mai 2003, nº 02-83.544)
- se fait payer des dettes de jeu (Cass. crim., 6 mars 1974, nº 73-90.640)
- faire payer par l’entreprise des contraventions
- s’octroyer un prêt à un taux anormalement bas
- appropriation de sommes versées en paiement de marchandises appartenant à l’entreprise
- prendre de l’argent dans la caisse de l’entreprise (Cass. crim., 8 mars 1967, nº 65-93.757)
- s’accorder une rémunération manifestement excessive
B - L’usage de ces biens doit être contraire aux intérêts de l’entreprise
La seconde condition qui doit être présente tient au fait que l’acte doit être contraire aux intérêts de l’entreprise. En effet, lorsque le dirigent agit dans l’intérêt de la société, il agit évidemment dans le cadre du mandat qui lui a été attribué, c’est donc une distinction essentielle.
L’appréciation se fait au cas par cas par la jurisprudence qui doit déterminer dans quelle mesure l’entreprise a intérêt à la réalisation d’une opération donnée.
II - L’élément intentionnel
Dans toutes les infractions pénales, il doit y avoir deux conditions qui doivent être réunies pour qu’une infraction puisse être constituée : un élément matériel (un fait), ainsi qu’un élément intentionnel, autrement dit la volonté de la personne en question.
L’abus de bien sociaux requiert en cela deux composantes intentionnelles : une mauvaise foi de la part du dirigeant, et la recherche d’un intérêt personnel.
A - Le dirigeant doit être de mauvaise foi
La mauvaise foi est, en matière d’abus de bien sociaux, l’intention du dirigeant de commettre un acte contraire à l’intérêt de la société, en toute connaissance de cause. Elle est relativement simple à établir lorsque le dirigeant commet des actes dans lesquels il tire un bénéfice personnel immédiat, comme le fait de se payer des vacances personnelles sur le compte de l’entreprise.
En pratique la jurisprudence tend à considérer que le dirigeant est de mauvaise foi, si l’acte porte atteinte à l’intérêt de la société, le dirigeant étant censé être en mesure de porter la pleine mesure de ses actes.
B - Le dirigeant doit rechercher un intérêt personnel
La seconde condition tient au fait que le dirigeant doit satisfaire un intérêt personnel dans l’opération. Cet intérêt est un élément essentiel, car il va permettre de déterminer si le dirigeant a commis une faute pénale ou une simple erreur de gestion.
Par exemple, dépenser 20.000€ dans du matériel de photographie peut être une faute de gestion pour l’entreprise, si elle n’en a pas vraiment l’usage, mais le délit d’abus de biens sociaux sera caractérisé si le dirigeant utilise en réalité ce matériel photo pour ses besoins personnels.
L’entrepreneur ou le dirigeant n’a pas besoin d’être directement le bénéficiaire des avantages indus pour que le délit soit constitué, le fait de satisfaire les intérêts de ses proches, des ses parents, de relations politiques ou de sa maîtresse peuvent également révéler l’infraction pénale.