Une idée fausse : l’enveloppe Soleau permet de vous approprier des idées…
C’est malheureusement souvent la raison première pour laquelle des personnes utilisent l’enveloppe Soleau. Or, légalement il n’est pas possible de s’approprier une idée (les juristes auraient été les premiers à s’approprier l’idée d’avoir des idées…). Aucun système juridique ne permet l’appropriation d’une idée, simplement parce qu’un tel système serait totalement invivable. En droit, les idées sont libres de parcours. Ce qui est réservable, ce qui peut faire l’objet d’un droit de propriété intellectuelle – c’est une oeuvre, une invention, un dessin ou un modèle… c’est-à-dire une concrétisation de cette idée, mais jamais l’idée elle-même.
A quoi sert l’enveloppe Soleau ?
Si l’enveloppe Soleau ne sert pas à protéger une idée, alors à quoi peut-elle donc bien servir ?
La réponse est qu’elle sert à conférer une date certaine à une création. Pour le comprendre, il faut revenir à l’un des principes essentiels du droit d’auteur français qui est que l’auteur jouit d’un droit sur ses oeuvres du seul fait de sa création. Le principe est tellement important qu’il a été codifié dans le premier article du Code de la Propriété Intellectuelle :
Article L111-1
L’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous.
En clair cela signifie qu’il n’a pas besoin de déposer son oeuvre (et en particulier pas à l’INPI), pour bénéficier d’un droit sur cette création. L’auteur crée, il dispose d’un droit directement sur sa création, droit qu’il pourra monnayer comme il l’entend par la suite.
C’est précisément là que surgit un problème majeur : si la loi m’accorde un droit sur ma création, exactement de la même manière pour tous les auteurs – comment alors prouver que c’est bien moi qui est à l’origine de cette oeuvre ?
Mettez-vous à la place d’un juge : deux auteurs vous disent qu’ils sont tout deux créateur d’une oeuvre ; ils affirment, à juste titre, que la loi leur confère un droit de propriété intellectuelle sur leur oeuvre, et que l’autre auteur, est en fait un contrefacteur qui n’a fait que copier sur l’oeuvre originelle… Comment trancher le cas ?
C’est précisément à cela que sert l’enveloppe Soleau : conférer une date certaine à la création. C’est-à-dire elle permet de justifier qu’à telle date, la création existait, et qu’elle a été réalisée par l’auteur. Il est impossible d’être absolument certain que l’auteur a vraiment créé l’oeuvre, mais on a une idée du fait qu’au moins à telle date l’oeuvre existait et qu’il a fait la démarche de la déposer.
Comment utiliser une enveloppe Soleau
L’utilisation de l’enveloppe Soleau est assez simple, voici comment la remplir :
- vous imprimez vos documents – dans la limite de 7 pages puisque l’enveloppe ne peut en contenir plus (mais vous pouvez acheter d’autres enveloppes) ; vous devez imprimer vos documents en deux exemplaires puisque l’enveloppe contient deux parties, une pour l’INPI et une qui vous sera renvoyée
- Vous placez chaque jeu de documents dans un compartiment de l’enveloppe
- Renvoyez l’enveloppe à l’INPI
En pratique son utilisation pose tout de même 4 problèmes :
- Un grand nombre de personnes qui utilisent l’enveloppe Soleau tentent de protéger des idées ou des concepts, ce qui ne peut faire en réalité l’objet d’aucun droit de propriété intellectuelle. L’enveloppe ne confère aucun droit de propriété intellectuelle sur une oeuvre (car le droit naît du simple fait de la création pour les oeuvres de l’esprit cf. ci-dessus).
- Il est impossible de mettre un corps dur dans l’enveloppe (un cd-rom, une clé usb…). Donc la quantité d’information utilisable est très limitée.
- En réalité elle est assez chère : 15€ pour protéger 7 pages, revient à 2.1€ la page. Si vous écrivez un blog et que vous souhaitez obtenir une date certaine pour vos articles, le service vous coûtera 780€ par an si vous écrivez un article de 2000 mots par semaine… Alors qu’en réalité vous pourriez avoir quasiment la même protection pour 2.5€ en envoyant une lettre RAR à la Poste, ou en faisant faire un constat d’huissier (200€, lequel pourra conserver une clé USB, sans limite de volume d’information).
- En pratique, j’ai constaté que l’INPI ne renvoie pas systématiquement les enveloppes et on se retrouve avec une perte de 50% en moyenne (constatation personnelle qui n’est pas une statistique officielle, l’INPI vous dira certainement le contraire, mais faites le test vous-même…), et aucun recours pour ce qui a été perdu…
Personnellement je n’utilise plus ce service, préférant recourir à la pratique des lettres RAR qui a un coût 100x inférieur et 0% de perte.
Où se la procurer…
Il suffit d’en acheter un exemplaire à l’INPI, mais vous pouvez également simplement placer vos créations dans une lettre RAR que vous vous adressez à vous-même – à condition de ne pas ouvrir la lettre.
A noter que l’INPI a mis en place un service d’enveloppe soleau électronique, ou enveloppe soleau numérique qui peut également être utilisé.