La responsabilité du blogueur du fait des commentaires de ses lecteurs

    Par un jugement du 5 février 2015, le tribunal jugeait le directeur de la publication d’un blog sur la question de savoir si celui-ci avait retiré suffisamment promptement le commentaire d’un internaute sur un article publié par lui. En effet, de la même manière que l’hébergeur, le directeur de la publication est tenu de retirer « promptement » tout contenu illicite en ligne lui étant signalé, faute de quoi sa responsabilité pénale est engagée.

    En l’espèce il était reproché au prévenu d’avoir hébergé les commentaires suivants :

    1.- « Nous avons vécu ( … ) un « bibliocauste » à ma connaissance sans précédent ( … ) Le jeune conservateur Emmanuel P. ( … ) a provoqué la destruction de 7 à 8000 ouvrages ( … ) Il s’agit d’un acte barbare ( …. ) qu’il nous appartient de dénoncer de la façon la plus violente qui soit ( … ) Nous voulons témoigner notre indignation face à cet acte de barbarie d’un autre siècle  » sous le titre « lettre ouverte de protestation solennelle à Monsieur le Président de la communauté d’agglomération du Carcassonnais » ;

    2.- « Nous vous demandons solennellement ( … ) d’engager ( … ) une procédure de Licenciement ( … ) il semblerait que M. P. ait agi sans aucun discernement avec un manque de réflexion manifeste, aggravé par une absence totale de concertation ( … ) Pour défendre son geste inqualifiable devant les médias. M.P. a menti sur la portée de sa décision inculte ( … ) ce qui laisse présumer la dangerosité de votre collaborateur ( … ) au nom de la sphère culturelle départementale émotionnée par ce problème, je vous demande d’engager immédiatement une procédure de licenciement visant la personne qui s’est rendue coupable devant nous, de faits dramatiquement irréversibles ( … ) j’avise Madame le Préfet de l’Aude et Monsieur le ministre de la culture, afin qu’il fasse diligenter une enquête déterminant en particulier qu’elles sont les compétences universitaires et professionnelles de Monsieur Emmanuel P. et partant, les conditions de son embauche  » sous le titre « lettre ouverte de protestation solennelle, à Monsieur le Président de la communauté d’agglomération du Carcassonnais » ;

    3.- « Ces procédés de M. Emmanuel P. rappellent les autodafé d’Allemagne » constituant un commentaire sous la signature de Christophe B., accessible sous la « lettre ouverte de protestation solennelle , à Monsieur le président de la communauté d’agglomération du Carcassonnais », aux rubriques « coup de gueule » et « notes récentes » du blog de l’académie des arts et des sciences de Carcassonne.

    Face à ces commentaires, le tribunal note deux points qui sont la base du raisonnement juridique qui formeront la décision des juges :

    1. D’abord, sur la qualification de diffamation qui ne fait aucun doute pour le tribunal : « Il n’est pas sérieusement contestable ni contesté que l’expression « autodafé d’Allemagne » dont la paternité n’a pu être attribué formellement à Christophe B., puisse être diffamatoire dans la mesure où elle fait référence à l’époque nazi«
    2. Celle-ci étant établie, il fallait encore déterminer si une cause de non responsabilité pouvait être invoquée (on parle de cause exonératrice de responsabilité), ce que le tribunal va considérer : « le prévenu ne peut s’exonérer de sa responsabilité que s’il démontre qu’il ne connaissait pas le contenu de ce message avant sa mise en ligne le 17 août 2011, preuve qu’il ne rapporte pas, ou qu’il établit qu’informé, il a agi promptement pour retirer ces propos du blog«

    Le point qui détermine donc ici le jugement est de savoir si le directeur de la publication a agit promptement. Les juges vont l’admettre expressément, considérant que saisi le 3 octobre 2011 de la demande de la partie civile de le retirer, il en a modifié les termes dès le 4 octobre 2011, en retirant le mot « Allemagne ». En l’espèce le délai de réaction était particulièrement court. Il aurait été intéressant de savoir jusqu’où en termes de délai le terme de « promptement » aurait pu aller, mais la décision ne le dit pas…

    Morale de l’histoire, si l’on vous sollicite pour supprimer un commentaire litigieux, ne tardez pas !

    J’ai réalisé un webinar dans lequel je parle en détail de ce sujet, si vous souhaitez avoir plus d’informations.

    Thiébaut Devergranne
    Thiébaut Devergranne
    Thiébaut Devergranne est docteur en droit et expert en droit des nouvelles technologies depuis plus de 20 ans, dont 6 passés au sein des services du Premier Ministre. En savoir plus

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