- 12.000€ d’amende pour les coupables (6.000€ chacun) ;
- 1.500€ d’article 475-1 ;
Ce à quoi il faut évidemment ajouter les frais d’avocat (disons 4.000€ dans une affaire classique de ce type).
Faisons donc les comptes… On peut estimer la taille des mentions légales LCEN à 3 lignes environ. Quant au total de la condamnation il en ira de 13.500€ (sans les frais d’avocat). On divise donc cette somme par 3, et cela nous donne un total de 4.500€ par ligne de texte manquante. Mais, l’hypothèse ne tient alors compte que du cas où les condamnés sont allés en procédure sans leur avocat… hypothèse fausse. Calculons donc avec les frais. Il faut ajouter pour cela la somme de 4.000€ (en gros) à celle des 13.500€, et diviser le tout par 3. Cela nous donne donc 5800€ la ligne de texte.
A ce tarif, on pourrait très certainement s’offrir l’écriture des plus grands poètes de ce monde pour – par exemple – faire vaciller le coeur de sa chère et tendre avec une, ou deux lignes (selon le porte-monnaie), de la plus grande éloquence et certainement de la poésie la plus belle.
Et si seulement la loi était ainsi… Mais non ! Tout au contraire… ces lignes (à 5.000€ pièce…) sont… des plus rébarbatives qui soient : l’identification de l’éditeur du site, du directeur de la publication et de l’hébergeur… Vraiment pas de quoi emporter le coeur de son élue, au mieux son plus grand ennui !
**Récapitulons les faits **
Passons sur les calculs arithmétiques.
Les faits de l’affaire illustrent en réalité parfaitement pourquoi la loi a imposé une telle obligation, et surtout, l’a assortie de sanctions importantes (en réalité, la sanction aurait pu aller jusqu’à 1 an d’emprisonnement et 75.000€ d’amende).
En l’espèce, les prévenus éditaient un site Internet comportant un forum dans lequel un des utilisateurs avait diffusé des propos dénigrants sur une entreprise (comme c’est finalement assez souvent le cas dans les forums).
L’entreprise dénigrée avait, par requête, fait ordonner la communication des données de connexion (notamment l’adresse IP et la date à laquelle le message avait été posté) par le propriétaire du forum, afin d’identifier précisément l’auteur du message en question. Mais celle-ci était restée sans effet faute de mentions légales permettant d’identifier l’éditeur du site en question.
Restait alors une seconde option à l’entreprise dénigrée, qu’elle a très justement opté : faire sanctionner les éditeurs du site en question pour défaut de mentions légales ! C’est au terme d’une mission d’enquête confiée à la Brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP) que les services de police ont réussi à identifier les auteurs de l’infraction en partie au travers des publicités qui y étaient affichées.
On connait la suite de l’histoire : tribunal correctionnel, jugement, et sanctions.
Il nous reste cependant à élaborer la morale de l’histoire, si tant est que l’on puisse tirer de cette mésaventure un quelconque enseignement : le rébarbatif paye ?
La décision (extraits)…
DISCUSSION
Par actes d’huissier de justice des 11 octobre et 28 octobre 2013, le procureur de la République a respectivement fait citer devant ce tribunal, à l’audience du 19 novembre 2013, Jean-Claude G. et Olivier G. pour avoir à Paris, à compter de mars 2010 et jusqu’en 2012, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non prescrit, étant éditeur d’un service de communication en ligne, s’agissant du site internet participatif accessible à l’adresse www.notetonentreprise.com omis de mettre à disposition du public dans un standard ouvert les données d’identification de l’éditeur, du directeur de la publication et de l’hébergeur, délit prévu et réprimé par l’article 6 III-1.et VI.-2. de la loi 2004- 575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique.
(…)
A cette date, la décision suivante a été rendue :
MOTIFS DU JUGEMENT :
SUR L’ACTION PUBLIQUE :
Le 8 juin 2011l, l’avocat de la société STEF-TFE déposait, pour le compte de cette dernière, entre les mains du procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Paris, une « plainte pour site internet non-conforme, défaut de mentions légales et pour défaut de réponse par 1 ’éditeur du site à la demande d’une autorité judiciaire ».
Dans cette plainte, le conseil de la société STEF-TFE expliquait que :
- la société avait découvert, courant février 2011, l’existence d’un commentaire dénigrant posté le 27 janvier 2011, sous le pseudonyme « podprod « ,sur le site internet www.notetonentreprise.com, ce dont il était justifié par la production d’un procès-verbal de constat d’huissier de justice du 16 février 2011 ;
- suite à une requête à fin d’identification du 11 avril 2011, la société STEF-TFE et sa directrice des ressources humaines, Céline LIEGENT, avaient été autorisées par ordonnance du même jour à se faire communiquer par l’éditeur du site précité « toutes données permettant l’identification de la personne ayant mis en ligne le commentaire litigieux » ;
- aucune des mentions légales prescrites par l’article 6 III.-1. de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique ne figurant sur le site concerné, l’ordonnance sur requête du 11 avril 2011 était restée sans effet ;
- le 27 avril 2011, la société STEF-TFE avait adressé, par l’intermédiaire de son conseil, une demande de suppression du commentaire litigieux à l’hébergeur du site www.notetonentreprise.com, la société WORLDSTREAM située en Hollande ;
- par courriel du 28 avril 2011, la société susvisée informait le conseil de la société requérante de la suppression du commentaire incriminé.
A la suite du dépôt de cette plainte, le procureur de la République donnait mission à la Brigade de Répression de la Délinquance contre la Personne (B.R.D.P) de procéder à une enquête le 15 juillet 2011.
(…)
Il convient de considérer qu’il résulte de l’ensemble des éléments successivement énumérés la preuve que postérieurement à la vente du site www.notetonentreprise.com alléguée par Olivier G., ce dernier et son père, Jean-Claude G., par l’intermédiaire de leurs sociétés respectives, administraient de fait le site en cause et percevaient chacun des revenus issus des publicités affichées sur ce site.
Ils seront, en conséquence, retenus dans les liens de la prévention et condamnés chacun à une amende de 6 000 euros pour ne pas avoir mis à la disposition du public dans un standard ouvert les données d’identification de l’éditeur, du directeur de la publication et de 1 ’hébergeur du site, en violation des dispositions de l’article 6 III .-1. de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique.
SUR L’ACTION CIVILE :
Recevable en sa constitution, la partie civile se verra allouer l’euro qu’elle réclame à chacun des deux prévenus à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice moral subi du fait de l’impossibilité pour elle d’exercer un droit de réponse à la suite de la publication du commentaire incriminé sur le site www.notetonentreprise.com, faute de mention du nom du directeur de la publication.
Le versement provisoire de l’euro alloué ne sera pas ordonné.
L’ancienneté des faits ne justifie pas, en l’espèce, qu’il soit fait droit à la demande de publications judiciaires, chef de demande qui sera, en conséquence, rejeté.
Jean-Claude G. et Olivier G. seront condamnés in solidum à payer à la partie civile la somme de 1 500 euros qu’elle sollicite par application de l’article 475-1 du code de procédure pénale.
DECISION
Le Tribunal, statuant publiquement, en matière correctionnelle, en premier ressort et par jugement contradictoire à signifier à l’encontre de Jean-Claude G. et Olivier G., prévenus et par jugement contradictoire (article 424 du code de procédure pénale) à l’égard de la société STEF, partie civile :
Déclare J. G. et O G. coupables du délit prévu et réprimé par l’article 6.III-1 et VI-2 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, pour avoir, étant éditeurs d’un service de communication au public en ligne, s’agissant du site internet participatif accessible à l’adresse www.notetonentreprise.com, omis de mettre à disposition du public dans un standard ouvert les données d’identification de l’éditeur, du directeur de la publication et de l’hébergeur, faits commis de mars 2010 jusqu’à 2012 ;
En répression :
Condamne J. G. et O. G., chacun, à une amende délictuelle de SIX MILLE EUROS (6.000 €) ;
Déclare la société STEF recevable sa constitution de partie civile ;
Condamne J G. et O G. à payer chacun à la société STEF UN EURO (1€) à titre de dommages et intérêts ;
Dit n’y avoir lieu d’ordonner le versement provisoire de l’euro alloué ;
Rejette la demande de publications judiciaires ;
Condamne in solidum Jean-Claude G. et Olivier G. à payer à la société STEF la somme de MILLE CINQ CENTS EUROS (1.500 €) par application de l’article 4 7 5-1 du code de procédure pénale.