Le principe de minimisation imposé par le RGPD, attention aux données collectées !

Le principe de minimisation qui a été introduit dans le RGPD opère un changement majeur par rapport à la règlementation antérieure. En effet, il n’est désormais possible de collecter des données que si celles-ci sont strictement nécessaires aux finalités pour lesquelles elles sont collectées. Le changement est radical au regard de l’ancienne directive, qui permettait de collecter des données tant que cela n’était pas excessif. Aujourd’hui, il faut donc s’assurer que les données sont bien nécessaires, voir strictement nécessaires aux finalités définies par l’article 30 du RGPD.

Le respect de ce principe est important et fait l’objet de sanction régulière par la CNIL qui a par exemple sanctionné Amazon à 32M€ pour une collecte de données qui n’était pas minimisée en matière de droit du travail. Il est donc essentiel d’assurer sa mise en oeuvre opérationnelle.

1. Les trois exigences du principe de minimisation

Le RGPD, à travers son article 5.1, pose des exigences strictes sur la manière dont les données personnelles doivent être collectées et traitées:

  1. Les données à caractère personnel doivent être: (…) c) adéquates, pertinentes et limitées à ce qui est nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées (minimisation des données);

Il y a donc trois aspects fondamentaux qui définissent ces principes :

1.1 Les données collectées doivent être adéquates et pertinentes

L’article 5.1 impose que les données soient adéquates et pertinentes. Ces principes jouent un rôle de filtre essentiel pour déterminer si la collecte et le traitement des données personnelles sont licites au regard du RGPD.

On peut préciser le terme d’adéquat en rapport aux données qui correspondent précisément à ce qui est nécessaire pour atteindre un objectif spécifié dans la finalité du traitement. L’adéquation mesure la suffisance des données pour remplir leur fonction. Ainsi, par exemple, pour une inscription à une newsletter, il sera adéquat de demander l’adresse email de la personne. Toutefois, demander également l’âge ou le genre pourrait être considéré comme non-adéquat.

Le critère de pertinence a, quant à lui, une connexion directe et claire avec la finalité du traitement. Ce principe assure que toutes les données collectées sont directement utiles pour le traitement prévu et justifiables par les objectifs énoncés. Ainsi, par exemple dans un dossier médical, la collecte d’informations sur les allergies d’un patient est pertinente pour la préparation d’un plan de traitement. En revanche, la collecte d’informations sur les préférences musicales du patient ne serait pas pertinente à cet effet.

Il est donc possible d’avoir une collecte de données pertinente et non adéquate ; ainsi un employeur pourrait considérer comme pertinent de connaître les antécédents judiciaires d’un employé pour un poste nécessitant une grande intégrité. Cependant, si les antécédents collectés incluent des infractions liées à la nature du travail, ces données pourraient être jugées non adéquates pour la finalité de garantir l’intégrité du poste.

1.2 Les données collectées doivent être limitées

Le principe de limitation est cependant le pilier central qui fait référence à la collecte de données uniquement dans la mesure où celles-ci sont nécessaires pour les finalités spécifiées.

Pour prendre un exemple, une entreprise de commerce en ligne doit limiter la collecte de données personnelles aux informations strictement nécessaires pour effectuer la transaction et assurer la livraison du produit. Il n’est pas nécessaire de collecter d’autres informations comme l’historique de navigation ou les préférences de contenu non liées à l’achat actuel.

En appliquant rigoureusement ces trois exigences, les organisations peuvent non seulement se conformer au RGPD mais aussi renforcer la confiance de leurs clients en démontrant un engagement sérieux envers la protection des données personnelles.

2. Implémenter le principe de minimisation

La mise en œuvre du principe de minimisation requiert une approche systématique et des mesures concrètes pour assurer que toutes les données collectées respectent les exigences de l’adéquation, de la pertinence et de la limitation. Voici des stratégies et pratiques qui peuvent aider les organisations à mettre en pratique ce principe crucial du RGPD.

2.1 Planification pour la minimisation

La première étape dans l’implémentation du principe de minimisation tient à la planification des données qui seront collectées au regard des finalités indiquées par le responsable de traitement. Cela implique évidemment une définition claire des finalités du traitement des données, ainsi qu’une révision régulière de ces finalités pour s’assurer que les données restent limitées.

On peut le faire notamment au travers de :

  • Développement de politiques internes : Établir des politiques qui définissent clairement comment et pourquoi les données sont collectées. Ces politiques doivent également spécifier les mesures pour évaluer régulièrement l’adéquation et la pertinence des données.
  • Formation et sensibilisation : Former le personnel à comprendre l’importance de la minimisation et à appliquer les politiques de l’entreprise en matière de protection des données. La formation doit couvrir les principes du RGPD et la manière de les implémenter au quotidien.

2.2 Utilisation des technologies pour la minimisation

L’adoption de technologies appropriées peut jouer un rôle clé dans la mise en œuvre effective de la minimisation des données. Les outils technologiques peuvent aider à réduire automatiquement la quantité de données collectées et traitées.

  • Anonymisation et pseudonymisation : Utiliser des méthodes d’anonymisation pour traiter les données de manière à ce qu’elles ne puissent pas être reliées à un individu spécifique sans l’utilisation d’informations supplémentaires. La pseudonymisation peut également être utilisée pour séparer les données des identifiants directs afin de limiter les risques en cas de violation de données.
  • Minimisation par la conception : Intégrer la minimisation dans la conception même des systèmes et des processus de traitement des données. Cela inclut le développement de logiciels, de bases de données et d’autres systèmes informatiques qui collectent uniquement les données nécessaires pour leurs fonctionnalités spécifiques.

2.3 Audit et contrôle réguliers

Pour assurer la continuité de la conformité au principe de minimisation, il est essentiel de réaliser des audits et des contrôles réguliers. Ces évaluations permettent de vérifier si les pratiques de collecte et de traitement des données sont toujours alignées avec les politiques de l’entreprise et les exigences du RGPD.

  • Audits internes et externes : Conduire des audits réguliers pour examiner les activités de traitement des données et s’assurer que les données ne sont pas utilisées ou conservées au-delà de ce qui est nécessaire. Les audits externes peuvent fournir une perspective objective sur la conformité des pratiques de l’entreprise.
  • Mises à jour et améliorations : Suite aux audits, prendre des mesures correctives pour améliorer les processus de traitement des données. Cela peut inclure la suppression de données inutiles, la mise à jour des logiciels pour mieux protéger les données, et la révision des politiques de gestion des données.

En intégrant ces stratégies dans leurs opérations quotidiennes, les organisations peuvent non seulement se conformer au RGPD mais également promouvoir une culture de la protection des données qui bénéficie à la fois à l’entreprise et à ses clients.

3. Intégrer le principe de minimisation dans le privacy by design

Le principe de minimisation est également très détaillé dans les guideliines relatives au privacy by design. En effet, l’article 25 du RGPD mentionne spécifiquement le principe de minimisation comme fondement de l’application pratique des principes de protection des données dès la conception et protection des données par défaut.

Ainsi, par exemple : “Les responsables du traitement doivent tout d’abord déterminer s’il est même nécessaire de traiter des données à caractère personnel au regard des finalités qui sont les leurs. Le responsable du traitement devrait vérifier si les finalités pertinentes peuvent être atteintes en traitant moins de données à caractère personnel, ou en disposant de données à caractère personnel moins détaillées ou moins agrégées, voire sans avoir à traiter de données à caractère personnel du tout37. Cette vérification devrait avoir lieu avant tout traitement, mais elle peut également être effectuée à tout moment pendant la durée du traitement.”

Les guidelines définissent également un certain nombre d’opération nécessaires : "En ce qui concerne la minimisation des données, on peut citer parmi les éléments clés pour la protection dès la conception et par défaut:

  • Évitement du recours aux données - Éviter tout traitement de données à caractère personnel si la finalité en question le permet.
  • Limitation - Limiter la quantité de données à caractère personnel collectées à ce qui est nécessaire au regard de la finalité.
  • Limitation de l’accès – Concevoir le traitement de données de manière à ce qu’un nombre minimal de personnes aient besoin d’accéder aux données à caractère personnel pour exercer leurs fonctions, et limiter l’accès en conséquence.
  • Pertinence – Les données à caractère personnel devraient être pertinentes au regard du traitement en question, et le responsable du traitement devrait être en mesure de démontrer cette pertinence.
  • Nécessité - Chaque élément de données à caractère personnel doit être nécessaire au regard des finalités spécifiées et ne doit faire l’objet d’un traitement que s’il n’est pas possible de répondre à ces finalités par d’autres moyens.
  • Agrégation - Utiliser des données agrégées lorsque cela est possible.
  • Pseudonymisation - Pseudonymiser les données à caractère personnel dès qu’il n’est plus nécessaire de disposer de données à caractère personnel directement identifiables, et stocker séparément les clés d’identification.
  • Anonymisation et suppression - Lorsque des données à caractère personnel ne sont pas ou plus nécessaires au regard de la finalité, elles doivent être anonymisées ou supprimées.
  • Flux de données – Le flux de données devrait être rendu suffisamment efficace pour ne pas créer plus de copies que nécessaire.
  • «État des connaissances» – Le responsable du traitement devrait appliquer des technologies à jour et appropriées aux fins de l’évitement du recours aux données et de la minimisation des données.
Thiébaut Devergranne
Thiébaut Devergranne
Thiébaut Devergranne est docteur en droit et expert en droit des nouvelles technologies depuis plus de 20 ans, dont 6 passés au sein des services du Premier Ministre. En savoir plus

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